Quand je me penche avec mon appareil photo sur la beauté d’une fleur où s’est posé un insecte,
les pensées de Jean-Marie PELT lues dans son livre passionnant
» Les plantes: amours et civilisations végétales »
me reviennent aussitôt en mémoire.
« Entre les insectes et les fleurs, des collaborations toujours plus fines, plus élaborées ont été mises en œuvre et améliorées au fil des millénaires. Du coléoptère ravageur et dévastateur qui ne réalise la pollinisation que par accident, à l’abeille méticuleuse et organisée, capable de déclencher dans la fleur des mécanismes de haute précision, quel chemin parcouru, quelle économie de moyens, quel progrès dans l’organisation et l’efficacité du travail !
L’insecte, en amenant la fleur à perfectionner son architecture, se contraint lui-même à développer ses propres facultés psychosociologiques. Tel est bien le secret de toute véritable histoire d’amour : car un couple n’est vraiment réussi que dans le souci partagé de progrès et de l’épanouissement de l’autre. C’est en se déprenant de soi qu’on s’éprend d’autrui. C’est en perdant la vie qu’on la gagne.
Les plus belles fleurs de nos jardins et de nos serres n’existeraient pas sans les insectes, nos horticulteurs n’intervenant qu’en dernier ressort pour achever des chefs-d’œuvre qui ne sont pas de leur fait. Et il n’y aurait sans doute jamais eu ni abeilles, ni papillons si, il y a cent millions d’années, les plantes n’avaient inventé « la fleur ». »
« Étrange complémentarité du végétal vert qui synthétise la matière vivante grâce à la chlorophylle et de l’animal au sang rouge qui la consomme en respirant, grâce à l’hémoglobine, molécule à peine différente de la précédente ! La plante crée la matière vivante, elle ne stoppe jamais sa croissance et synthétise sans cesse. Car il lui faut pourvoir à la nourriture de l’animal qui la consomme et aussi à celle de l’homme qui, sa croissance stoppée, se contente d’entretenir sa structure et, dans les meilleurs des cas, transforme son énergie en force spirituelle.
Il est en effet singulier de constater que les végétaux ne cessent d’élaborer de la matière vivante et de croître en taille et en volume, alors que la plupart des animaux atteignent au bout de quelques années leur maturité physiologique à partir de laquelle ils se contentent d’entretenir leur structure sans plus l’accroître. Ils sont devenus adultes, mais pourquoi faire ?
Pour l’homme, on pourrait modestement formuler une hypothèse : le développement corporel accompli, le surcroît d’énergie ainsi disponible ne pourrait-il pas s’investir dans d’autres tâches et vers d’autres directions, et pourquoi pas justement vers celles qui font l’originalité et l’honneur de l’homme : celles de l’esprit. C’est ce qu’avaient compris, semble-t-il, d’autres civilisations, d’autres cultures, mais non la nôtre toute occupée à produire toujours plus pour réjouir et ménager des corps déjà comblés grâce au progrès du confort et aux mille satisfactions de ce qu’il est convenu d’appeler « la vie moderne » : serait-ce là notre erreur ? Sans doute.
Car l’espèce n’a qu’un avenir : celui de son propre dépassement au-delà des limites de l’univers matériel qui l’emprisonne et la réduit en esclavage ; et l’individu n’a qu’un programme : celui de s’accomplir dans ce qui lui est unique, original et essentiel, à travers la qualité, l’authenticité et la vérité des relations d’amour qu’il lie avec autrui. Car il faut croire à l’amour, à toutes les formes d’amour, en ces temps tragiques de régression de l’amour. »
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