LA BEAUTE INDICIBLE
Nicolas BOILEAU, sévère critique littéraire du XVII siècle, a dit ceci
:
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément »
Est ce vrai ? La poésie semble pourtant l’art le plus difficile car elle utilise les mots, matériaux de la raison, pour
exprimer les émotions du monde intérieur.
En tous cas, je ne suis pas la seule à douter de
sa pesante certitude :
« Avec stupeur, je découvrais que parler était en fait la meilleure façon de
taire l’essentiel, alors que pour le dire, il aurait fallu articuler les mots d’une toute autre manière : les chuchoter, les tisser dans les bruits
du soir, dans les rayons du couchant. Une nouvelle fois, je ressentais en moi la mystérieuse gestation de cette langue si différente des paroles émoussées par l’usage : l’indicible était
mystérieusement lié, je le comprenais maintenant, à l’essentiel. L’essentiel était indicible,
incommunicable…Et tout ce qui dans ce monde me torturait par sa beauté muette, tout ce qui se passait de la parole était essentiel. »
Andreï MAKINE (Le testament français)
« O noble poésie du silence vivant et passionné ! Bel art que celui qui, sous
une enveloppe matérielle, miroir des beautés physiques, réfléchit également les grands élans de l’âme, de l’esprit du cœur et de l’imagination, et répond à ces besoins divins de l’être humain de
tous les temps. Un jour viendra où l’on comprendra l’éloquence de cet art muet; c’est cette éloquence dont le caractère, la nature et la puissance d’esprit n’ont pu être définis, à laquelle j’ai
donné tous mes soins, tous mes efforts: l’évocation de la pensée par la ligne, l’arabesque et les moyens plastiques. Voilà mon but »
Gustave MOREAU, peintre du XIX siècle
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