Je ne sais pas si Anna-Elisabeth, Comtesse de
Noailles, (1876-1933) (*), parisienne et écrivaine célèbre à son époque, a séjourné dans ce beau château de Noailles, mais je l’imagine très bien châtelaine écrivant ces vers délicats de bonheur sensuel
(**) dans le cadre de cet autre midi de la France où le soleil attire les cigales et où il fait bon vivre entre les deux souriantes rivières de la Corrèze et de la Dordogne, même pour les gens
simples qui ne demeurent pas dans un château !
L’été à midi,
Un store de paille est penché
Sur la vitre où le soleil donne,
La cloche de déjeuner sonne,
L’air sent la rose et le pêcher ;
Des guêpes de vol et de lucre,
Dans la claire salle à manger
Sont arrivées du potager
Pour le melon et pour le sucre.
Les compotiers sont pleins de fruits,
Les guêpes s’en vont et s’en reviennent ;
Les plats de faïence ancienne
Se fêlent d’entendre du bruit.
Soigneux de vos douces haleines,
Pour vous, beaux fruits d’un goût si fort,
Les couteaux ont des lames d’or
Et des manches de porcelaine …
(*)Comme moi, wikipedia vous en apprendra un peu plus sur Anna de Noailles
(**) La suite de ce poème se trouve dans « les cent poèmes du bonheur » aux éditions Omnibus
Dame Nature a habillé d’un beau rouge flamboyant les coquelicots, fleurs sauvages de l’été, mais elle n’a pas oublié la famille des insectes ! dans cette nombreuse
famille, il y a une jolie demoiselle ; elle est assez rare et il faut avoir de la chance pour l’apercevoir au bord d’un étang ! après avoir passé la première partie de sa vie sous
l’eau, elle ressemble avec ses quatre ailes à un feu follet qui glisse à toute allure au- dessus des eaux calmes : je n’ai pas pu l’emprisonner dans mon petit appareil-photo, mais vous me
croirez ou pas si je vous dis qu’elle existe :
LA LIBELLULE ROUGE
La houle symphonique du vent
chante dans les feuilles, glisse sur l’étang ,
dessine des rides
en demi-cercles paisibles .
Assise sur la terre humide,
sans mouvement,
au royaume des crapauds et des oiseaux,
mes yeux se baignent dans l’eau
avec les troncs des grands arbres au repos.
Seule bouge
à angles droits
la farouche libellule rouge
qui , en un éclair, se pose sur
moi.
Ses deux yeux ronds aux reflets de métal
tracent sur mon âme de géante
les signes de paix rayonnante
de la langue végétale.
Blanche DREVET
Tu fleuris, guilleret,
Bien avant l’été
Au bord des champs de blé
En compagnie des bleuets,
Rouge coquelicot,
Petit cousin sauvage
Du grand prince pavot !
Quand la brise légère et joyeuse
Soulève les quatre pans vermillon
De ta jupe soyeuse,
Un joli corsage
Protège tes noires étamines
Des pucerons gloutons !
Mais quand le vent entre en colère,
Tu as bien mauvaise mine,
Pauvre coquelicot !
Ta vie est éphémère
Et, sans dire un mot,
Tu regardes tes pétales s’envoler
Dans la lumière blanche de l’été.
Blanche
Drevet
Fête des Mères,
Fête des Pères,
C’est bien plus que deux articles de journal
Ou deux fêtes commerciales !
Cela fait tant de bien une fête de famille
Entre fils et filles, fils ou fille !
C’est si bon de recevoir
Un dessin de son petit enfant
Timide et plein d’espoir
D’entendre un compliment de papa ou maman
Et d’être embrassé tendrement !
C’est si bon de recevoir un baiser,
Un cadeau, une rose ou une autre fleur
Et de montrer son bonheur
A son enfant plein de gaieté !
C’est si bon d’entendre
Sur les ondes quand on est triste ou las
Une voix chère et tendre
Vous dire « bonne fête Papa »
Ou « bonne fête Maman »
Même si ce n’est qu’une fois par an !
Si seulement
Ce bonheur familial,
Immense gâteau royal,
Pouvait se partager et donner une part de roi
A tous ceux et celles
Qui ne connaissent pas la joie
En ces dimanches de printemps
Où leurs cœurs sont si seuls !
A tous les enfants divisés
Entre père et mère,
A tous les enfants rejetés et amers,
A tous les parents abandonnés,
A tous ceux et celles qui ne connaissent
Que les visites, l’âme en détresse,
A l’hôpital ou à la prison,
A tous celles qui voudraient êtres mères,
A tous ceux qui voudraient être pères
Et à qui le destin a dit non,
A toutes les mères, à tous les pères solitaires
Qui vont se recueillir au cimetière,
A toutes les mères, à tous les pères
De la terre
Qui ne peuvent plus crier
Devant leurs enfants massacrés,
A tous les orphelines et orphelins
Qui tendent leurs mains
Vers le ciel étoilé
Pour recevoir la caresse
De celui ou celle qui les a aimés
Avec tendresse
Et les aimera toujours
D’un grand amour.
Blanche Drevet
FORÊT, SOURCE DE VIE
Dans un bain de chaude moiteur
La forêt sent gonfler son cœur
D’un immense bonheur.
Le présent n’a pas d’heure,
Elle abrite sous les bras de ses géants
Une foule heureuse d’êtres vivants.
Ils respirent, ils sentent que la terre se soulève.
Des racines gorgées d’eau envoient des jets de sève
Rayonnante dans la plus petite herbe discrète,
Dans tous les troncs et les branches, là où vit l’âme secrète
De la forêt, là où les oiseaux bénissent la pluie
En jolis gazouillis, en mille petits cris.
Les tendres fougères nouvelles
Se déroulent vers le ciel,
Rêvant à la puissance végétale
De leurs sœurs tropicales,
Et, au sol, un humble bousier travaille avec ardeur
A la survie de ce monde enchanteur,
Sous le regard d’une limace
Qui, sans aucune gêne
Ni vertige, se prélasse
Sur le tronc d’un chêne.
Les minuscules insectes, cibles
Des araignées invisibles
Se reposent. Sous la vapeur
Du brouillard, ils distinguent leurs demeures,
Mais, patientes, leurs huit pattes en éveil,
Les araignées attendent le retour du soleil.
Les mammifères, eux, dorment encore, serrés
A l’ombre de leurs terriers.
Ils connaissent le miracle de l’eau
Et attendent la fraîcheur de la nuit
Pour se désaltérer au ruisseau
Dans le silence et la joie infinie.
Mille yeux suivent les pas de l’humaine solitaire
Qui marche sur le chemin de terre,
Les poumons parfumés de toutes les odeurs,
Le cœur ouvert à l’unisson du grand cœur
De la forêt qui bat au rythme de la vie,
Loin des humains enfermés dans leurs cités de peur
Et qui pleurent
Sous la pluie.
Blanche DREVET