En cette fin de décembre d’une année du XXI siècle où la violence du monde et la misère du monde arrivent à notre porte, où l’indifférence et le mépris de ceux qui recherchent richesses et pouvoir ont envahi notre pays et le monde entier, pouvons nous encore fêter la Lumière et souhaiter du fonds du cœur un JOYEUX NOËL à ceux et celles que nous aimons et que désirons aimer ?
Mais qu’est-ce que la JOIE ?
J’ai trouvé une des plus belles réponses dans un petit livre de François CHENG intitulé La Joie :
« La joie n’est rien moins que la visite opportune de l’Être même.
L’instant de joie capable de nous soulever et de nous transformer signifie l’irruption de l’infini dans notre finitude.
Celui qui sait accueillir la joie se sera donc rendu humble. Il ne manquera pas de s’apercevoir que la joie n’est pas réservée aux seules circonstances exceptionnelles, mais que la vie quotidienne est remplie de ces signes, pourvu qu’on sache les déchiffrer : un rayon de soleil qui s’attarde sur un vieil ustensile, un sourire accordé au milieu des grisailles . Il n’est pas jusqu’à la fleur anonyme perçant le bitume qui ne puisse le convaincre du miracle qu’est l’avènement de la vie.
La vie ouverte,
voilà le critère simple mais indispensable pour mesurer la valeur de la joie .
En chacun de nous,
chaque éveil et un recommencement du monde, source d’une joie inépuisable. »
En lisant ces lignes, je revois les trois sourires qui m’ont remplie de joie le 5 décembre à Paris où je suis allée à un rendez-vous médical. En reprenant le train, je gardais surtout en moi l’émerveillement d’une petite fille devant une énorme bulle de savon
puis, dans le train, j’ai reçu comme cadeau un splendide coucher de soleil.
Cependant, j’ai eu la triste impression , en regardant mes voisins, d’être la seule à l’admirer
Et je me suis souvenue qu’à l’aller, il y avait à côté de moi un adorable petit garçon d’environ cinq ans tout heureux de voyager en train qui posait plein de questions à son père et son père, lassé de lui répondre lui a donné à regarder des films d’animation sur sa tablette…
Alors, en ce jour de NOËL , mon SOUHAIT le plus profond du cœur est celui-ci :
qu’il y ait encore sur notre terre des enfants qui ne deviennent pas des robots et qui puissent encore, en grandissant, ressentir la vraie JOIE devant un rayon de soleil, un ciel étoilé, un sourire bienveillant, une fleur et une bulle de savon.
En cette fin d’été marquée dans plusieurs régions par une longue sécheresse, je reviens sur mon blog parce que je pense qu’il y a urgence de prendre conscience de l’importance des arbres dans notre vie.
Face à une minorité de pauvres humains qui défrichent la forêt pour survivre , face à une majorité de pauvres humains qui, pour survivre, enrichissent une minorité de très riches humains qui méprisent la forêt qui permet à tous les êtres vivants de vivre sur notre planète, je pense aux humains qui redécouvrent la vie secrète des arbres et le don qu’ils nous font et je vous offre un très beau texte de Jules RENARD intitulé :
« Une famille d’arbres »
C’est après avoir traversé une plaine brûlée de soleil que je les rencontre .
Ils ne demeurent pas au bord de la route à cause du bruit.
Ils habitent les champs incultes sur une source connue des oiseaux seuls.
De loin, ils semblent impénétrables. Dès que j’approche, leurs troncs se desserrent.
Ils m’accueillent avec prudence.
Je peux me reposer, me rafraîchir, mais je devine qu’ils m’observent et se défient .
Ils vivent en famille, les plus âgés au milieu et les petits,
ceux dont les premières feuilles viennent de naître, un peu partout, sans jamais s’écarter .
Ils mettent longtemps à mourir et ils gardent les morts debout jusqu’à la chute en poussière.
Ils se flattent de leurs longues branches
pour s’assurer qu’ils sont tous là comme les aveugles.
Ils gesticulent de colère si le vent s’essouffle à les déraciner. Mais entre eux aucune dispute.
Ils ne murmurent que d’accord.
Je sens qu’ils doivent être ma vraie famille . J’oublierai vite l’autre.
Ces arbres m’adopteront peu à peu, et pour le mériter j’apprends ce qu’il faut savoir :
Je sais déjà regarder les nuages qui passent.
Je sais aussi rester en place.
Et je sais presque me taire.
C’est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;
C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir
Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir ;
A travers la tempête, et la neige, et le givre,
C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir ;
C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ;
C’est la gloire des Dieux, c’est le grenier mystique,
C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C’est le portique ouvert sur les Cieux inconnus !
En méditant devant l’horreur de cette photo qui peut illustrer le poème du XIX siècle « La mort des pauvres » de Baudelaire, je me dis que j’ai de la chance de méditer car je possède un toit, le silence, le souffle et une bonne santé.
Je me dis aussi que j’ai de la chance (mais est-ce une chance ?) d’habiter ce triste pays et de pouvoir choisir démocratiquement entre des hommes et des femmes à la recherche du pouvoir et aux âmes de croque-morts dont les promesses qui s’ouvrent sur des Cieux inconnus n’ont rien changé depuis deux siècles.
Toujours avec la plume et le pinceau de grands poètes du XIX siècle,
je vous offre un geste de vie disparu aujourd’hui dans notre société riche et mécanisée où la machine,voulue pour soulager l’homme de son dur travail, a fini par lui retirer la fierté de ce geste de vie.
C’est le moment crépusculaire ;
J’admire, assis sous un portail,
Ce reste de jour dont s’éclaire
La dernière heure de travail.
Dans les terres de nuit baignées,
Je contemple, ému, les haillons
D’un vieillard qui jette à poignées
La moisson future aux sillons.
Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.
Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin,
Rouvre sa main et recommence;
Et je médite, obscur témoin,
Pendant que, déployant ses voiles,
L’ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu’aux étoiles
Le geste auguste du semeur.
J’arrive bientôt à la fin d’un cycle de ma vie et je me rends compte avec joie que mes émotions de jeunesse ne se sont pas éteintes.
J’imagine encore, en ce début d’hiver, l’âme de ce peintre et l’âme de ce poète se rencontrant sur les toits enneigés de Paris au XIX siècle.
Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde ;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.
II est doux, à travers les brumes, de voir naître
L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes ;
Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
L’Emeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre ;
Car je serai plongé dans cette volupté
D’évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon cœur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.