Pourquoi choisir des textes sur cette notion de vide en ce beau mois d’été ?
Parce que l’été est pour ceux et celles qui en ont la chance une période de l’année où l’on peut s’arrêter et se regarder vivre. Notre société de consommation nous pousse à accumuler tellement de choses que notre vie devient de plus en plus pesante parce que notre espace se rétrécit. Nous avons un immense besoin de déposer notre fardeau et de respirer à l’extérieur comme à l’intérieur.
J’offre ces textes et en particulier celui de François Cheng à Livia qui a publié en mai un magnifique poème de cet auteur dans son article » de la Chine à Paris » sur son blog liviaaugustae.eklablog.fr
Ke Yun Lu « L’essence du Qi Gong »
Trop souvent, on entend les termes de « vacuité » et de « vide » utilisés de manière interchangeable…N’est-il pas vrai que dans l’état de vacuité, nous abandonnons notre rigidité d’esprit ? Que tous nos préjugés, toutes nos limitations sont balayés ? Ne peut-on pas dire que l’esprit est alors vidé de tout ? En fait, non. Dans ce contexte, la vacuité ne correspond pas à un esprit vide ; c’est un état de réceptivité spirituelle ; il signifie que, quand on est complètement détendu et dénué de tout désir, on devient réceptif à l’inspiration. C’est cette illumination spirituelle qui constitue l’essence de la pratique du Qi Gong. C’est aussi la source de nos facultés de penser, d’inventer et de créer.
François Cheng « Vide et plein »
Dans l’optique chinoise, le Vide n’est pas, comme on pourrait le supposer, quelque chose de vague ou d’inexistant, mais un élément dynamique et agissant. Lié à l’idée des souffles vitaux et du principe d’alternance Yin-Yang, il constitue le lieu par excellence où s’opèrent les transformations, où le Plein serait à même d’atteindre la vraie plénitude. C’est lui, en effet, qui, en introduisant dans un système donné discontinuité et réversibilité, permet aux unités composantes du système de dépasser l’opposition rigide et le développement en sens unique, et offre en même temps la possibilité d’une approche totalisante de l’univers par l’homme…
On ne peut manquer d’être frappé par la fonction active du Vide à travers les exemples que nous donnent la musique, la poésie et surtout la peinture. C’est tout le contraire d’un « no man’s land », lequel impliquerait neutralisation ou compromis ; puisque c’est bien le Vide qui permet le processus d’intériorisation et de transformation par lequel toute chose réalise son même et son autre, et par là, atteint la totalité. En ce sens, la peinture en Chine, est pleinement une philosophie en action ; elle y est envisagée comme une pratique sacrée, parce que sa visée n’est rien de moins que l’accomplissement total de l’homme, y compris sa part la plus inconsciente.
Nous sommes clôture et finitude
Pourtant c’est entre nous
Que sans fin jaillira
Ce que la vie désire
De plus vaste
De plus haut
D’infiniment transmuable
Aimer, c’est être
En avant de soi.
François Cheng, poète , écrivain et calligraphe
né en Chine en 1929 dans la province du Shandong
Arrivé à Paris en 1948 ,
naturalisé français en 1971,
Reçoit le grand prix de la francophonie de l’Académie Française en 2001
élu à l’Académie Française en juin 2002
« Ce n ‘est donc plus aux hommes que je m’adresse, c’est à Toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à Toi qui as tout donné, à Toi dont les décrets sont immuables comme éternels. Daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature : que ces erreurs ne soient point nos calamités.
Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux et si égales devant Toi , que ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes, ne soient pas des signaux des haine et de persécution…
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible !
Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers Ta Bonté qui nous a donné cet instant ! »
VOLTAIRE
Traité de la Tolérance 1763
« Nous sommes tous des fleurs dans le jardin du Grand Esprit.
Nous partageons les mêmes racines, nos racines nous ramènent à la Terre Mère.
Son jardin est beau car les couleurs des fleurs sont différentes et elles représentent des traditions et des cultures différentes. »
Grand-père David Monongye de la tribu des indiens HOPI
» La première fois que j’ai vu le ciel, c’était à mon arrivée à Campos. Il faisait froid, le vent avait nettoyé le ciel, c’était la lune noire. A Campos, on ne prévoit rien, quand le ciel est clair, on sait que ce sera pour ce soir, on le dit de l’un à l’autre : c’est cette nuit pour regarder les étoiles…Le silence se fait, tous les feux sont éteints, toutes les lampes. Il n’y a pas une lumière, sauf du côté de la ville, une grande tâche rose qui est en suspens. Il fait froid parce qu’il n’y a rien entre la terre et le ciel. J’entends le moindre bruit, les cigales qui crissent dans les cotonniers, l’eau du ruisseau, le vent, le souffle des respirations …Je n’ai jamais vraiment regardé le ciel avant ce soir. Je suis allongé sur la terre, les yeux grands ouverts, je bois la nuit…
Jadi nous explique le ciel…Il dit que le ciel est pour nous aussi important que la terre, mais il ne doit pas être plus important…Une autre fois, Jadi s’est moqué de moi : « Tu es un enfant, Raphaël, tu regardes le ciel, tu cherches les étoiles et tu ne vois pas la nuit ; même si tu pouvais distinguer des milliers, des millions d’étoiles avec un télescope, ce qui est le plus grand, le plus vrai dans le ciel, c’est le noir, le vide. » . Il m’a dit aussi : « Tu tires de la vanité à connaître le ciel et tu ne te connais pas toi-même…Ce n’est pas le savoir que tu dois chercher, mais tout au contraire l’oubli. »
Le jour qui précède la fête aux environs de Noël, chacun doit se préparer, non pas en faisant un travail particulier mais, au contraire, en ralentissant sa vie…Hoatu donne l’exemple des chats : « observe un chat qui s’apprête à bondir, dit-elle, avant d’être le plus rapide, il est le plus lent du monde. » Les enfants se mettent alors à marcher à la manière des chats…On mange peu et certains adultes jeûnent pendant plusieurs jours mais n’en parlent pas. Le conseiller dit qu’il ne faut jamais que l’un d’entre nous se sente meilleur que les autres parce qu’il ne pourrait pas être prêt pour la vérité…Ce qui importe, c’est la connaissance du vide et pour cela il faut entrer dans la lenteur de l’espace. Il ne l’explique pas vraiment car s’il le disait avec les mots de la science, il serait semblable à ces gens qui écrivent des livres sur le silence. »
« OURANIA »
J.M.G LE CLEZIO,
Ecrivain né en 1940 à Nice
« Selon la pensée chinoise et surtout celle des taoïstes, ce qui garantit d’abord la communion entre l’Homme et l’univers, c’est que l’homme est un être non seulement de chair et de sang mais aussi de souffles et d’esprits ; en outre, il possède le Vide…Par le Vide , le cœur de l’Homme peut devenir la règle ou le miroir de soi-même et du monde, car possédant le Vide et s’identifiant au Vide Originel, l’Homme se trouve à la source des images et des formes. Il saisit le rythme de l’Espace et du Temps ; il maîtrise la loi de la transformation. »
« Vide et plein »
François CHENG, écrivain, membre de l’Académie Française,
Né en Chine en 1929 , naturalisé français en 1971
En regardant tomber les feuilles, ma petite muse m’a fait comprendre qu’elle était fatiguée et qu’elle avait envie d’un grand sommeil pendant quelques mois .
Je ne vais pas la contrarier. En la laissant hiberner, je vais avoir le plaisir de vous présenter d’autres muses bien plus brillantes dont j’ai beaucoup aimé les textes .
Je vous présente aujourd’hui un texte envoyé par un ami. Comme vous pourrez le constater sur la photo, je me sens tout particulièrement concernée par cette belle philosophie que je désire vivre mais qui est bien difficile à appliquer !
Ce très beau poème a été écrit par Ghyslaine Delisle, une québécoise née en janvier 1932;
Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son cœur;
Sans remord, sans regret, sans regarder l’heure;
Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur;
Car, à chaque âge, se rattache un bonheur.
Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps;
Le garder sain en dedans, beau en dehors.
Ne jamais abdiquer devant un effort.
L’âge n’a rien à voir avec la mort.
Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouce
À ceux qui se sentent perdus dans la brousse,
Qui ne croient plus que la vie peut être douce
Et qu’il y a toujours quelqu’un à la rescousse.
Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement.
Ne pas pleurer sur ses souvenirs d’antan.
Être fier d’avoir les cheveux blancs,
Car, pour être heureux, on a encore le temps.
Vieillir en beauté, c’est vieillir avec amour,
Savoir donner sans rien attendre en retour;
Car, où que l’on soit, à l’aube du jour,
Il y a quelqu’un à qui dire bonjour.
Vieillir en beauté, c’est vieillir avec espoir;
Être content de soi en se couchant le soir.
Et lorsque viendra le point de non-recevoir,
Se dire qu’au fond, ce n’est qu’un au revoir.
Au sortir de ce long sommeil hivernal, le printemps est la saison qui nous donne envie de nous tourner vers la BEAUTÉ ; c’est pourquoi, j’ai choisi de republier la quatrième des six idées que j’ai trouvées dans la sagesse amérindienne, illustrée par des grands peintres et écrivains de notre civilisation.
QUATRIÈME IDÉE :
REGARDER LA BEAUTÉ VISIBLE ET S’EN IMPRÉGNER
DONNE DE L’ENERGIE
La beauté est la pureté du souffle créateur qui nous lave de toutes nos pensées lourdes et nous fait vibrer de joie.
PAROLES INDIENNES
Que mes pas me portent
dans la beauté
Que mes pas me portent
tout le long du jour
Que mes pas me portent
à chaque retour des saisons
pour que la beauté me revienne
Beauté des oiseaux
Beauté joyeuse des oiseaux
Que mes pas me portent
sur le chemin gorgé de pollen
Que mes pas me portent
dans la danse des sauterelles
Que mes pas me portent
dans la rosée fraîche
et que la beauté soit avec moi.
VINCENT VAN GOGH
Une branche d’amandiers en fleurs
HERMANN HESSE, écrivain suisse d’origine allemande (1877-1962) ayant eu le prix Nobel en 1946.
Siddhârta
Qu’il était beau le monde pour qui le contemplait ainsi, naïvement, simplement, sans autre pensée que d’en jouir ! Que la lune et le firmament étaient beaux ! Qu’ils étaient beaux aussi les ruisseaux et leurs bords! Et la forêt et les chèvres et les scarabées d’or, et les fleurs et les papillons! Comme il faisait bon de marcher ainsi, libre, dispos, sans souci, l’âme confiante et ouverte à toutes les impressions .Le soleil qui lui brûlait la tête était tout autre, tout autres aussi la fraîcheur de l’ombre dans les bois, l’eau du ruisseau et celle de la citerne, le goût des calebasses et des bananes. Les jours et les nuits passaient sans que Siddhârta s’en aperçût…
..Rien de tout cela n’était nouveau; mais il ne l’avait jamais vu; sa pensée l’en avait toujours tenu éloigné. Maintenant, il était auprès de ces choses, il en faisait partie. La lumière et les ombres avaient trouvé le chemin de ses yeux, la lune et les étoiles celui de son âme.
REMBRANDT VAN RIJN
TITUS à son pupitre
VICTOR HUGO
« Que voulez-vous? L’enfant me tient en sa puissance. Je finis par ne plus aimer que l’innocence……Je me sens plein d’une âme étoilée et profonde, mon cœur est sans frontière et je n’ai pas d’endroit où finissent l’amour des petits et le droit des faibles. »
« Quand l’enfant nous regarde, on sent Dieu nous sonder ; Quand ce petit être attache doucement sa prunelle sur nous, je ne sais pas pourquoi je tremble ;Quand cette âme , qui n’est pas homme encore et n’est pas encore femme , verse à travers les cils de sa rose paupière sa clarté dans laquelle on lit de la prière…Quand ce pur esprit semble interroger nos cœurs …
…on dirait, tant l’enfance est ressemblante au temple, que la lumière, chose étrange, nous contemple. »
Khalil GIBRAN
Le prophète
Avez-vous la beauté qui détourne le cœur des objets faits de bois et de pierre pour l’orienter vers la montagne sainte ? Dites moi, avez vous cela dans vos maisons ? Où n’avez-vous que le bien-être et la convoitise du bien-être, ce désir furtif qui entre en invité dans la maison, puis y devient un hôte, et puis un maître ?
… La beauté n’est pas un désir mais une extase. Elle n’est pas une bouche assoiffée ni une main vide tendue, mais plutôt un cœur embrasé et une âme enchantée .Elle n’est pas l’image que vous voudriez voir ni le chant que vous voudriez entendre mais plutôt une image que vous voyez bien que vous fermiez les yeux et un chant que vous entendez bien que vous bouchiez vos oreilles…
Peuple d’Orphalese, la beauté est la vie lorsque la vie dévoile son saint visage. Mais vous êtes vie et vous êtes le voile. La beauté est l’éternité se contemplant dans un miroir. Mais vous êtes éternité et vous êtes le miroir.
EUGENE DELACROIX
Chef marocain faisant signe