SOURIRE AUX NUAGES
Son sourire soutient
Des montagnes de nuages soyeux
Qui ne pèsent rien.
Elle voyage parmi eux
Serrant l’oiseau d’acier blanc
Minuscule
Virgule
Sur l’hydrophile océan.
Elle sait que si son sourire s’évanouit,
Son regard vers la terre
Pèsera lourd sur le dos
De l’oiseau.
Alors, elle sourit légère
Soutenant les nuages d’eau de pluie
Où glisse l’oiseau de feu
Portant sur ses ailes
La voûte bleue
Du ciel.
Blanche DREVET
Le cœur lourd de morosité
Et de mélancolie,
Le long des murs gris
De la grande cité
Le poète des villes oublie de chanter.
Sait-il encore marcher
D’un pas léger et content ?
Se demande le poète des champs
Sur les chemins
D’un dimanche matin.
Seul, il avance
Dans les feuilles parfumées d’automne
Et fredonne
Avec entrain une chanson d’enfance.
Il s’arrête pour ne pas écraser
Les petits bousiers
Noirs aux reflets bleutés
Qui vont lentement travailler
Au grand
cycle de la vie.
Il repart, sourit
Et fredonne
Avec entrain
Une chanson au parfum
D’automne.
Des coups de fusil claquent soudain
Vers le ciel bleu du matin.
Le poète qui chasse la beauté
Dans une goutte de rosée
Avec son appareil photo
Voit s’enfuir les oiseaux.
Il pense
Au poète qui ne sait pas chanter
Le cœur lourd de morosité
Il pense
A tous les animaux cachés dans les fourrés
Et sait qu’ils ne seront pas tués.
Son cœur se gonfle d’espérance
Et fredonne
Dans les feuilles d’automne
Une chanson d’enfance
Qui remplit le ciel bleu du matin.
Les ailes rouges et noires du vulcain
Messager
De l’invisible été
Se sont posées sur sa main.
Blanche DREVET
PS : la photo n’est pas celle du vulcain, mais je te tenais à ma petite rime !
LA CHANSON DU RUISSEAU
Coule, coule, petit ruisseau,
Entre les herbes sauvages et les bouleaux !
Ton eau n’est jamais la même
Mais tu es toujours le ruisseau que j’aime !
Chante, chante, joli ruisseau !
Ta chanson fait rire les oiseaux
Quand tu glisses sur les pierres
Qui brillent sous ton eau claire !
D’où viens-tu, petit ru ? Je t’ai vu sortir de terre
Mais ton voyage reste un grand mystère.
Tu ressembles au collier infini de la Vie
Qui coule dans tous les êtres et demeure la Vie.
Blanche
DREVET
Fin de semaine,
Ne plus penser à son travail, à ses peines,
Rassembler son énergie, rajeunir sa tête.
Elles sont parties et arrivées là, à l’Accueil
Dans un univers où le temps lentement s’effeuille.
Mais elles ont mis leurs habits de fête
Car elles veulent être belles.
Les plus jeunes rectifient leur maquillage,
Les plus âgées dessinent sur leur visage
Un sourire pour effacer quelques ridelles.
Toutes rechargent une clef avec quelques euros
Qui leur permettra d’offrir boissons et gâteaux
A un fils, un petit-fils, un père,
Un mari, un amant, un frère,
Un être cher qui a fait naufrage,
Un être coupable envers la société
Qui attend de retrouver un rivage
Où il rêve sa liberté.
Il y a aussi quelques hommes, frères,
Amis, pères, grand-pères,
Mais elles sont souvent seules avec leur courage
Et la force de vivre qu’elles doivent donner
Après des heures et des heures de voyage.
Il y a toujours des enfants
Qui doivent attendre sagement
Sans courir et pousser des cris.
Et souvent des bébés qu’il faut empêcher de pleurer.
La première attente commence sous le soleil ou la pluie
Avec une pièce d’identité et un sac rempli
De vêtements, revues, articles de toilettes non interdits.
La lourde porte jaune s’ouvre à chaque appel émis
Puis se referme après chaque passage.
Une deuxième attente ressemble à la vérification des bagages
Dans un aéroport avant de s’envoler vers les nuages,
Mais il faut descendre un escalier en ciment
Comme pour prendre un métro absent
Puis longer un grillage
Pour une troisième attente plein d’espoir,
Celle de l’ouverture de la porte du parloir.
Quand cette porte s’ouvre enfin dans le silence,
Un gardien donne à chaque nom un numéro,
Celui d’un boxe où il y a une table et trois chaises.
On peut y converser à l’aise
Mais les cloisons de s’élèvent pas très haut.
Cela n’a pas d’importance
Parce que, lorsqu’il arrive, il n’y a que lui, que son visage,
Il n’y a plus que deux cœurs qui parlent le même langage
Malgré le bruit des autres, malgré les pas des gardiens
Et les enfants qui courent et s’amusent bien.
Seulement, il n’y a pas assez d’heures
Pour dire toutes les douleurs et tous les bonheurs,
Tout se passe trop vite à dire des phrases banales,
Les gardiens donnent le signal,
Les murs se referment autour des prisonniers
Et une autre longue attente commence pendant qu’ils sont fouillés.
Puis elles doivent sortir de la prison,
Repartir vers le même horizon
Où recommence une nouvelle semaine
Jusqu’à d’autres fins de semaines …
Blanche Drevet
Poème dédié à une amie que j’ai accompagnée plusieurs fois dans un centre de détention.
LES CHEMINS DE L’AUBRAC
L’Aubrac,
Rien dans le dos qu’un sac
Pour un pull, la cape de pluie et le pique-nique !
Pourquoi courir si loin
Vers Compostelle
Quand ce plateau magique
Qui ondule sans fin
Vous conduit vers le ciel,
Vers l’immense espace
Où tourne un seul rapace ?
Tous ses chemins
S’accrochent à des nuages paisibles
Où l’on a envie de se poser
Allongés sur de blancs coussins !
L’Aubrac ! C’est mieux qu’une Bible
Pour méditer et s’élever
Dans le cœur de la Nature !
Mais ce n’est pas un livre d’aventure :
Ses pages nous apprennent seulement
A marcher avec lenteur
Sans craindre les ombres
Et l’avancée du temps,
A nous pencher sur la beauté des fleurs
Où se cachent la clef des nombres
Et de minuscules et étranges insectes,
A caresser le granit
De ses vieux murs de pierres sèches
Comme pour exécuter un rite
Dont l’origine s’est perdue par-delà l’horizon
Quand ont disparu les moutons.
Peut-on interroger la muette mémoire
Des puissants taureaux
Dont la conscience garde les fils de l’Histoire ?
Ou celle des vaches dont les cornes gracieuses
Coiffent deux beaux yeux noirs en amande ?
Peut-être que la symphonie joyeuse
Des cascades qui descendent
Le long des roches basaltiques,
Claironnant sur les tuyaux
Des grandes orgues géométriques,
Pourrait nous raconter les légendes des volcans ?
Mais le présent est là dans la lumière
Qui perce la brume au-dessus des tourbières
Et sur les toits d’ardoise qui brillent comme de l’argent ;
La belle église romane, du haut de son modeste clocher,
Nous annonce l’arrivée.
L’envie prend d’y rentrer avec confiance
Pour y goûter le silence
Comme l’eau vénérée
D’une source sacrée.
Il est un peu loin
Ce saint Jacques
Qui attire tant de pèlerins !
Pourquoi ne pas rester à l’écoute des mystères
Sur les chemins solitaires
De l’Aubrac ?
Blanche DREVET