A ROMANTIC dont le blog fleuri me manque beaucoup !
LE PREMIER SOURIRE DE
MARS
Bien avant que les violettes de la nouvelle saison
Ne piquent la mousse des jardins
Et que les forsythias ne lancent leurs jaunes rayons
Dans la douceur d’un matin,
Mars timidement se faufile
Dans les rues peuplées de la ville
En offrant son sourire de lumière
À tous les passants engourdis par l’hiver.
Je ne parle pas du sourire des petites filles,
Je parle du franc sourire des vendeurs de jonquilles.
A leurs pauvres habits et à leurs joues creuses
On sait qu’à la récré ils ont toujours perdu leurs billes !
Qu’importe ! Ils reviennent de prairies mystérieuses
Où ils ont cueilli pour nous ces corolles qui scintillent.
Les reflets dorés de ces milliers de calices
Ont déposé au fond de leurs yeux
Des grains d’or gorgés de malice
Qui éclairent leur visage d’un
sourire lumineux
Quand je les regarde, joyeuse abeille
Rêvant de champs fleuris et de rivières de miel !
Pensive, je me demande avec tristesse
Pourquoi, en ces journées de Mars, si peu de gens
Ont envie pour une ou deux petites pièces
D’éclairer leur maison d’un bouquet de printemps.
Blanche DREVET
Concert d’Orgues
dédié
au peintre Chagall
Assise droite sur ma chaise,
Mal à
l’aise,
Je regarde tous ces
tuyaux froids
Qui se dressent,
encadrés de bois.
Je regarde les
piliers nus
Qui soutiennent la
voûte et les murs nus.
J’attends, l’esprit absent,
Dans une
cathédrale.
Je n’ai pas le temps
!
Une rafale plus
forte que le mistral
Secoue ma tête et la
verrière !
De chaque côté,
explosent
Les
grandes roses
En ondes sonores qui
dévorent la pierre.
La foudre a fait
éclater l’orgue de lumière !
Tout
là-haut,
Des flammes
de do rouge coquelicot
Serpentent sur les
gammes du tonnerre.
Des spirales
de ré
Dorées
Comme
des oranges
S’enroulent autour
des colonnes
Et résonnent
Avec
des mi bleus en robe d’ange.
S’enivrant de la
sève d’un arbre géant
S’élèvent vers le
ciel
De
grands sols jaunes soleil.
Je me sens soulevée
lentement
Dans une
montgolfière
Au pays
imaginaire
Des rêves
de Chagall.
Sous la voûte
étoilée, les petits tuyaux de métal
Chantent comme
des la de cristal
Fragile derrière les
puissants accords
En bouquets
de fa dièse.
Sur une
prairie vert Véronèse
S’endort
Le grand
poète.
Il écoute la
musique
Des si à cœur de violette
Qui
s’envolent
En arpège de
bémol.
Allongés sur des
nuages de fleurs mystiques
De tendres
amoureux
Passent devant des
vaches à la tête rouge ou bleue
Et surgissant d’un
vitrail, trois coqs à plumes d’or
Jouent sur des
violons multicolores.
Je suis dans un
ailleurs
De sons et de
couleurs !
Mais soudain, le
magicien de l’orgue noir
S’arrête. Les
touches d’ivoire
Restent immobiles.
Tout se tait.
La cathédrale
retrouve sa nudité.
Blanche
DREVET
J’avais les cheveux dans les yeux,
A quoi bon sourire à mes jeunes années !
J’avais les cheveux dans les yeux
Et le cœur malheureux.
Enroulée sur moi-même
Dans les fils noirs de la mélancolie,
J’attendais des « je t’aime »
Que je ne savais pas donner
A celui qui partageait ma vie.
Je me réveillai un matin et cherchai une paire de ciseaux.
Le soleil m’aveugla puis sur mon visage dessina un sourire.
Je sentis une furieuse envie de vivre
Et regardai les montagnes.
J’achetai des chaussures et un sac à dos.
Alors, pendant de longs hivers de travail,
J’ai attendu l’été
Pour grimper vers les cols et les sommets,
Pour me pencher vers les fleurs, me saouler de leur beauté,
Pour respirer leur parfum de liberté.
Pourtant des douleurs apparurent un jour.
La petite voix intérieure de mon cœur
Me murmura que mon sac à dos était trop lourd
De tous mes désirs et de toutes mes peurs.
Sagement je retournai vers la forêt que j’aimais
Mais que je n’avais jamais écoutée.
J’y entrai en silence
Et j’entendis toutes les âmes végétales et animales
Me dire qu’en cheminant avec confiance
J’apercevrai une montagne d’un éblouissant cristal.
J’avance maintenant vers ce mystère,
Le cœur en bandoulière,
En cueillant le long de mon sentier éphémère
Les petits signes de sa lumière.
De temps en temps, je fais le plein de sérénité et d’énergie
Auprès des hêtres et des chênes, mes amis,
En écoutant les oiseaux et souriant joyeusement
A ce lumineux présent.
Blanche DREVET
LE
GIVRE
Une nuit de janvier,
Une fée heureuse
Qui souriait à l’étoile
Betelgeuse,
Eut envie de voyager
Sur notre petite terre.
Elle enfila sa baguette légère
Dans les trois perles rondes
Du Baudrier d’Orion,
La frotta sur la froide jumelle
De Betelgeuse, l’étoile Rigel,
Puis traversa le ciel étoilé
De cette nuit glacée
Pour se poser sur le sommet gelé d’une
colline.
Inspirée,
En tournant lentement le beau
livre
De l’hiver,
Elle dessina avec sa baguette de
givre
Toutes les branches des charmes et des
hêtres,
Celles des bouleaux et celles des grands
chênes,
Le contour dentelé de ses feuilles
rousses
Et les jolies étoiles des coussins de
mousse,
Les épines des ronces et les petites
brindilles,
Les graminées et toutes les
aiguilles
Des pins et des élégants sapins,
Les fruits rouges des églantines
Et les fruits roses et orange
Des fusains que mangent les
mésanges.
Ravie,
Elle disparut dans la nuit
Quand un rayon de soleil annonça le
matin.
L’homme qui marchait d’un pas
lourd
Depuis l’aube dans la boue du chemin,
Se pencha émerveillé
Sur les milliers de paillettes qui
scintillaient.
Il se sentit riche de tous ces
diamants
Qui rendent le cœur léger et
content.
Mais notre soleil ivre
Donna trop de chaleur
Et toutes les perles de givre
S’évanouirent dans la vapeur.
L’homme continua de sourire
intérieurement
Car il savait que la richesse des diamants de la
terre
Etait moins éphémère
Que celle des pièces d’or qui pesaient
lourdement
Dans les cœurs malheureux.
La fée qui souriait à l’étoile
Betelgeuse
Aurait à nouveau envie de voyager
Sur notre planète bleue.
Blanche DREVET
ps : Alain a eu la gentillesse de publier ce poème chez les amis de LA PLUME BLEUE quand je n’avais pas encore créé mon blog.
A Zhuang-Johan
pour ses trois ans
le 7 février 2011
Le prince triste et le joli
poisson
Il était une fois un petit garçon
Qui vivait sur une île si petite
Qu’elle n’avait pas de nom.
Autrefois un volcan avait surgi trop vite
Au-dessus de la mer, puis s’était éteint
Après avoir craché toutes ses cendres un matin.
Habitaient sur cette île un roi sans nom
Et une reine sans nom
Qui étaient les parents du petit garçon.
Il y avait aussi, bien sûr, un premier ministre
Dont le rôle était de pêcher les poissons
Que mangeaient le roi, la reine et le petit garçon.
Celui-ci s’appelait Prince Triste
Mais il ne s’était jamais posé la question.
C’étaient les oiseaux au-dessus de l’île sans nom
Qui l’avaient appelé ainsi
Car ses habits étaient tout gris
Comme ceux du roi, de la reine et du pêcheur de poissons.
Son regard ne connaissait que le bleu
du ciel
Et de la mer qui reflétait le ciel,
Que le blanc et le gris des nuages
Et de la mer qui reflétait les nuages.
Il arriva qu’un jour sans lumière
Où le premier ministre pêchait avec sérieux,
Le prince triste aperçut un étrange poisson qui brillait de mille feux
Dans le seau rempli d’eau de mer.
Il voulut l’attraper comme un précieux cadeau
Mais le poisson vivant sauta dans les flots
Et s’enfuit dans les profondeurs.
Le premier ministre se fâcha tout gris.
Il ne savait pas quel bonheur
C’était pour le prince d’avoir sauver ce poisson joli.
Le bonheur du prince fut encore plus fort
Et il sentit battre son cœur
Quand il l’aperçut le jour suivant sous une vague brodée d’or
Il s’approcha et lui demanda « pourquoi es-tu si beau ? »
Alors le poisson lui raconta les couleurs
Des profondeurs de la mer qui étaient sur son dos.
Il lui raconta les murs roses et orange du corail,
Les bancs de poissons d’argent
Qui tourbillonnent comme des épouvantails,
Le poisson noir à points blancs
Et l’étoile aux cinq pointes rouges,
Il lui parla du coquillage doré
qui jamais ne bouge
Mais dont il faut se méfier de la ruse
Et des parapluies roses des dames- méduses
Qui dansent avec les algues violettes.
Il lui raconta le cheval à minuscule tête
Et au corps de feuilles en émeraudes,
Les dangereux tentacules de l’anémone mauve,
La tête rose du poisson- fée
Et le poisson- papillon jaune au long nez.
Il lui parla du poisson- chirurgien rayé jaune et bleu
Et de toutes les couleurs qui rendent si heureux.
Alors le petit prince triste se mit à rêver de la mer.
Chaque fois qu’il faisait un beau rêve de lumière,
Une étoile rose, puis une étoile verte, puis une étoile bleue
Puis une étoile d’or brillaient dans ses yeux
Au bout d’une semaine, les oiseaux virent que le petit garçon
N’était plus triste et ils le dirent au joli poisson.
Tout content, le poisson revint et dit au prince ravi
« Tu peux venir avec moi aujourd’hui »
«J’ai un peu peur, répondit le petit garçon, mais j’en ai très envie »
« Tu ne dois pas avoir peur, dit le poisson joli
Car tu as été poisson dans une autre vie »
Alors le prince joyeux monta sur le dos du poisson heureux
Et ils disparurent tous les deux dans les flots bleus.
Blanche
DREVET