CONTE BLEU et OR
Il avait choisi ce rectangle
d’or
Où s’était écoulée
translucide
L’eau bleue du royaume des
glaces.
Il s’y reposait depuis de longues
aurores
Sans laisser de traces à la
surface
De ce ciel de pureté
liquide.
Mais un soir, son sommeil fut
déchiré
Par trois voix humaines aux notes
aigües.
Elles provenaient de trois baigneuses
nues
Qui, s’étant déshabillées,
regardaient
D’un œil gourmand l’eau
azurée
De cette piscine
inattendue.
Réveillé, il sortit sans bruit de son
lit de lumière
Mais, avant de déployer ses ailes
étincelantes
Son œil de saphir transperça les trois
commères
Qui se turent. Elles sentirent une paix
inquiétante
Alourdir leurs jambes, leurs corps
s’enliser dans la pierre
Rendant muette leur éternité
souffrante.
Elles n’eurent pas le temps de voir
s’envoler
Celui qui les avait
immortalisées
Avant de retourner dans le pays où les
flocons
De neige moutonnent le relief, étouffent
les sons,
Epousent les branches, les brindilles et
dansent
Devant les yeux des loups
argentés,
Gardiens farouches de la secrète
entrée
Du royaume des glaces
bleues.
Celui dont le nom
lumineux
Est Silence.
Blanche DREVET
peti conte que m’a
inspiré un collage réalisé il y a de nombreuses années et retrouvé par hasard …
L’AMARYLLIS
Au cœur d’un oignon
Reposait la vie
Invisible, blottie
Au centre de cette petite sphère.
Je le mis dans un pot
Avec un peu de sable, un peu de terre
Puis un peu d’eau
Et j’attendis.
Avec patience,
Avec confiance,
J’attendis un mois et demi
Le miracle de la vie végétale.
Une petite langue verte en sortit
Puis grandit, grandit, grandit
Jusqu’à devenir une haute tige verticale
Qui soutenait quatre énormes boutons
Veinés de violet.
Après des jours et des jours d’espérance,
La naissance
De la première fleur
S’accomplit la nuit
Et garda son secret.
A mon réveil,
Mon âme remplie
D’un immense bonheur,
Buvait la beauté vermeille
De l’Amaryllis
Qui m’offrait avec amour
Ses larges pétales de velours
Au nombre de six.
En touchant du bout des doigts
Sa robe rouge sombre
Tissée de fils d’or royal,
Je sentis monter en moi
La joie totale
De l’harmonie des nombres :
La fleur,
Dans toute sa splendeur,
Dessinait l’étoile du roi Salomon.
« Dieu géométrisa. »
Me souffla Platon
Depuis l’Au-delà.
Blanche
DREVET
photo du web
UN JEUNE HÊTRE FOU
La forêt semble en deuil
Sous le silence et sous la pluie.
L’air sent le parfum de toutes les
feuilles
Qui ont donné leur vie
Pour la nourrir.
Pourtant, derrière un tronc sombre et
sévère
Une étrange lumière
Balaye comme un phare
Les perles de pluie sur les branches
mouillées
Et les petites flammes rouges des
merisiers
Parsemées sur le sol roux.
C’est un jeune hêtre fou
Qui dresse ses rameaux noirs
Et refuse de mourir.
Ses feuilles ont perdu leur
chlorophylle
Mais, gorgées des rayons du
soleil,
Elles ont pris la couleur de la
lune
Et, dans la forêt qui
sommeille,
Elles éclairent les ombres
brunes
De craintifs sangliers
Qui, sans bruit, se faufilent
Entre les fourrés.
Blanche DREVET
La Forêt, la Nuit et le
Temps
Je me souviens petite
fille
des soirs d’hiver
gelé
au retour des réunions
de famille.
Le nez collé à la vitre
glacée
défilaient et dansaient
les arbres d’or
de la forêt. Ils étaient
le décor
de grands rêves où
souriait la reine d’un univers
de lune
imaginaire.
Maintenant mon
père
ne conduit plus sur
terre.
Il est parti et c’est
moi qui conduis.
Je ne suis plus la reine
de la nuit.
Je ne regarde plus les
arbres de lumière
penchés sur la route
forestière.
Ce sont eux qui me
regardent déesse
ou sorcière prisonnière
de la vitesse.
Ils m’attirent de tous
leurs yeux
vers leur monde noir et
mystérieux.
Je sais qu’un jour
de lune ronde
je franchirai le seuil
interdit de l’ombre
sous des milliers de
prunelles qui luisent derrière les branches
mais ce soir, serrée par
le temps, je m’enfuis sur la ligne blanche.
Blanche DREVET
J’ai déjà parlé de mon bonheur de faire du vélo sur les petites routes de l’été, mais dès qu’octobre est là et qu’une poudre d’or parsème la nature, je m’en vais pédaler sur les routes de ma
campagne …
SUR LES PETITES ROUTES
D’OCTOBRE
C’est un après-midi
D’automne bleu.
Je respire heureuse
Et ravie
Un air pur
Parfumé de bonheur
Et de bonnes odeurs
De pommes mûres.
Sur les petites routes d’octobre
Les bouleaux soufflent de temps en temps
Une pluie de gouttes d’or
Qui dansent
Avec le vent.
J’oublie les heures
Et pédale en cadence
Avec sur le cœur
Le sourire d’un géant endormi
Qui me donne toute son énergie.
Blanche
DREVET