En regardant toutes ces tristes images de guerres et de catastrophes qui se passent loin de nous, nous devons tous nous sentir
concernés même si apparemment, nous croyons ne pas l’être. Mais je pense que ces évènements qui nous effraient ne doivent pas nous laisser dans le désespoir et l’impuissance. La nature nous offre
quotidiennement l’exemple de l’espoir : pour qu’une plante naisse, il faut qu’une autre meure ; la mort est toujours suivie d’une renaissance. Bien sûr, si nous pensons à nous-mêmes,
nous ne pouvons qu’avoir peur, mais si nous nous considérons comme des citoyens de la terre, nous avons devant nous, pour les enfants de nos enfants,
l’espoir de la naissance d’une ère nouvelle qui apparaît à l’horizon car notre civilisation matérialiste génératrice de guerres sur toute la planète
est à l’agonie.
Durant les siècles précédents, de grands initiés ont annoncé la venue de l’ère du Verseau, c’est-à-dire de l’ère de la
Connaissance qui est celle de l’Amour qui régnera entre les humains. Au XIX siècle, Victor Hugo en a parlé dans ses écrits. Au XX siècle, un grand initié, Lanza Del Vasto, l’a aussi évoquée mais il a surtout donné l’exemple dans sa vie de ce que sera l’homme de l’avenir.
Lanza del Vasto est né en
1901 dans une famille noble de Sicile. Dès son enfance il apprend plusieurs langues. Il étudie la philosophie,
pratique la peinture, la sculpture, la musique et la poésie. Il exerce plusieurs métiers en recherchant le contact réel avec les autres hommes. Après avoir lu Romain Rolland et découvert Gandhi,
il s’embarque pour l’Inde en 1936 à la recherche de la vérité sur les traces du champion de la non –violence. Il y mènera la vie de pèlerin mendiant et fera l’expérience de la Communauté
Gandhienne privilégiant le travail manuel et les méthodes non-violentes. Devenu un fervent disciple, le Mahatma Gandhi le baptisera « Shantidas » c’est-à-dire « serviteur de paix ». Il voyagera à travers toute l’Inde jusqu’au Népal et racontera son
voyage dans son livre « le pèlerinage aux sources » paru en 1943 (éditions Denoël). En 1948, l’année de la mort de Gandhi, il fonde la communauté de l’Arche dans le sud de la France, au pied du
causse du Larzac.
En 1953, Lanza del Vasto retourne en Inde à la rencontre de Vinoba, le disciple préféré de Gandhi et participe avec lui à la
redistribution des terres aux pauvres. Son livre « le nouveau pèlerinage » sera édité en 1954. De retour en France, il participera à des actions non-violentes pour la Paix et
contre l’installation des centrales nucléaires. Il écrira de nombreux ouvrages avant de mourir en 1981 ;
L’Ordre Laborieux de l’Arche se définit comme un rassemblement d’hommes et de femmes mariés ou célibataires qui, mus par une volonté commune d’accepter la pratique du
Travail et du principe de non-violence ont placé de plein gré leur confiance en Dieu et ont choisi de transformer l’homme par l’exemple. Cet Ordre mène de front le travail intérieur et le travail
extérieur qui est le prolongement du travail intérieur. Il a pour but non seulement l’obtention du pain quotidien par des moyens purs, mais l’harmonisation de l’être humain et le développement du
lien entre le corps et l’esprit.
Pensées de Lanza del Vasto sur notre civilisation :
« Guerres, Révolutions, misère et servitude viennent de ce que nul homme ne veut faire pour soi et pour les siens avec
ses propres mains les quatre choses dont il a besoin : la nourriture, le vêtement, le toit et l’outil. Il ne fait cela que s’il y est forcé ; il s’ingénie toujours à forcer d’autres à
le faire pour lui. Au lieu de travailler à fabriquer les choses, il trouve plus agréable, plus profitable, plus honorable de travailler à se procurer les moyens (pouvoir et argent) de forcer
d’autres hommes à fabriquer les choses pour lui. »
« L’homme vulgaire tourne ses regards, ses pensées, ses actions vers le dehors. Au-dedans, il est vide, son esprit
ressemble à un courant d’air, il se laisse entraîner par toutes les sollicitations. Il n’est pas une source de forces, mais le lieu de passage de forces externes contradictoires. »
L’avenir selon Lanza del Vasto :
« La collectivité anonyme et la poussière individuelle qui sont les traits de la décadence montrent la nécessité du
remède que nous avons déjà trouvé et appliqué. De même l’entassement des masses dans les grandes villes devenues inhabitables provoquera tôt ou tard le courant contraire, celui du retour à la
terre. Enfin, l’éclatement et l’écroulement inévitables d’une construction compliquée, contradictoire et qui fabrique tout ce qu’il faut pour la ruiner, amèneront les survivants des prochains
cataclysmes faits de main d’homme à se regrouper pour une vie simple, naturelle, paisible, sage. En quoi, nous les avons devancés…Ils feraient mieux de réfléchir, ceux qui nous prennent pour des
retardataires parce que nous ne les suivons pas tandis qu’ils se précipitent vers leur perte. Car, nous avons des yeux pour voir où nous allons et nous savons que nous sommes des
précurseurs. »
Le travail selon Lanza del Vasto :
« A dire vrai, l’homme a besoin du travail plus encore que du salaire car le but du travail n’est pas tant de faire des
objets que de faire des hommes. L’homme se fait en faisant quelque chose. Le travail établit un contact direct avec la matière et lui en assure une connaissance précise et une collaboration
quotidienne avec les autres hommes, il imprime à la matière la forme de l’homme et s’offre à lui comme un mode d’expression ; il bride les passions en fortifiant le vouloir. Le travail
corporel constitue pour les neuf dixièmes des hommes leur seule chance de manifester leur valeur en ce monde.
Mais pour que le travail même, et non le paiement seul, profite à l’homme, il faut que ce soit un travail humain, un travail
où l’homme entier soit engagé : son corps, son cœur, son intellect, son goût. L’artisan et le paysan peuvent mener à bien une tâche d’hommes
libres tandis que l’ouvrier enchaîné au travail à la chaîne s’émiette en un travail sans but pour lui, sans fin, sans goût ni sens. Le temps qu’il y passe est temps perdu, vendu : il vend ce
qu’un homme libre ne vend pas : sa vie. C’est un esclave. Il ne s’agit pas d’adoucir le sort du prolétaire afin de le lui faire accepter, il s’agit de supprimer le prolétariat comme on a
supprimé l’esclavage, puisque de fait le prolétariat, c’est l’esclavage.
Quant aux peuples entiers voués à l’oisiveté, que fera-t-on d’eux, que feront-ils d’eux-mêmes ? L’Etat qui aura résolu le
problème du travail par l’industrialisation intégrale n’aura plus qu’à résoudre le problème des loisirs et de l’éducation. Mais les plaisirs des hommes sans travail ont toujours été l’ivrognerie
et la débauche. De plus, il est un plaisir plus cher à l’homme sans travail, plus cher que l’ivrognerie et la débauche, celui de crier « A bas » et de mettre le feu partout. Ce
jeu-là ne tardera pas à remplacer tous les autres au paradis mécanisé. »
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