J’ai redécouvert il y a quelques jours les pensées de mon premier grand maître qui peignait les étoiles. Je l’avais délaissé depuis plusieurs années . Ce matin, le petit livre regroupant les
lettres à son frère Théo ,que j’ai lues et relues, s’est ouvert sur un passage que j’aime beaucoup et dont je vous fais part :
» La vie est-elle tout entière visible pour nous, ou bien n’en connaissons-nous avant la mort qu’un hémisphère ?
Les peintres( pour ne parler que d’eux) étant morts et enterrés, parlent à une génération suivante ou à plusieurs générations suivantes par leurs
oeuvres . Est-ce là tout ou y a-t-il même encore plus ? Dans la vie du peintre peut-être la mort n’est pas ce qu’il y aurait de plus difficile. Moi je déclare ne pas en savoir quoique ce soit,
mais toujours la vue des étoiles me fait rêver, aussi simplement que me donnent à rêver les points noirs représentant sur la carte géographique villes et villages. Pourquoi, me dis-je, les points
lumineux du firmament nous seraient-ils moins accessibles que les points noirs sur la carte de France ? Si nous prenons le train pour nous rendre à Tarascon ou à Rouen, nous prenons la mort pour
aller dans une étoile. Ce qui est certainement vrai dans ce raisonnement, c’est qu’étant en vie, nous ne pouvons pas nous rendre dans une étoile, pas plus qu’étant mort, nous puissions prendre le
train. Enfin il ne me semble pas impossible que le choléra, la gravelle, la phtisie, le cancer, soient des moyens de locomotion céleste, comme les bateaux à vapeur, les omnibus et le chemin de
fer en soient de terrestres. Mourir tranquillement de vieillesse serait y aller à pied . »
VINCENT VAN GOGH
VAN GOGH Lettres à son frère Théo editions Grasset
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